SOUBIELLE Alfred, Paul, Jean
Né le 30 mars 1876 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 5 février 1942 à Perpignan ; employé de commerce (courtier  en vins) à Perpignan ; journaliste ; militant socialiste (POF, PSF, socialiste unifié, SFIO après 1920) ; secrétaire de la fédération socialiste des Pyrénées-Orientales ; conseiller municipal de Perpignan (1919-1925).



Alfred Soubielle était le fils de Pierre, Antoine, Auguste, employé des contributions indirectes [il termina sa carrière  comme  préposé  chef  à  l’octroi  de  Perpignan]  né  le  22  février  1829  à  Espousouille  (commune  de Fontrabiouse-Espousouille,  commune  montagnarde  du  Capcir,  à  l’ouest  des  Pyrénées-Orientales)  et  d’une institutrice, Mathilde Renaudin âgée de vingt-huit ans en 1876. Il se maria à Perpignan le 18 février 1903 avec Louise Doumens. Celle-ci, fille d’Étienne Doumens et de Marie-Anne Espinas, était domiciliée chez sa mère, veuve, à Perpignan où elle était née le 17 juillet 1875. Le couple eut une fille, Jeanne née au domicile de ses parents,  3,  rue  de  la  Cloche-d’Or  au  centre-ville  de  Perpignan,  le  12  janvier  1904,  mère  de  Jean  Carrière*.
Alfred Soubielle suivit des études secondaires au collège de Perpignan. Dès la classe de rhétorique, en 1894, il collaborait déjà occasionnellement au Républicain des Pyrénées-Orientales, l’hebdomadaire des "républicains avancés" des Pyrénées-Orientales, ainsi qu’à d’autres périodiques perpignanais comme La Tribune libre ou La Vie libre. Il adhéra bientôt à la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales fondée en 1895 qui s’affilia  au POF à la fin de 1896. En 1896, il la représenta au congrès socialiste de Lézignan (Aude). La même année, il participa à la campagne électorale des socialistes aux élections municipales de Perpignan. En 1898-1899, pour des  raisons  professionnelles,  Soubielle  vécut  à  Barcelone.  En  contact  avec  des  socialistes  de  la  capitale catalane, il faillit, à deux reprises, être emprisonné au fort de Montjuic. Avant de se rendre à Barcelone, il résida un moment à Paris où il commença des études supérieures qu’il interrompit bientôt (il semblerait qu’il n’ait pas obtenu le baccalauréat dans sa totalité : sa fiche du registre matricule indique que son degré d’instruction était du niveau 3, correspondant à celui de l’enseignement primaire). Il adhéra au groupe des Étudiants collectivistes de  la  capitale  qu’il  fréquenta  en  même  temps  que  deux  autres  Catalans  connus  au  collège  de  Perpignan, Barthélemy Lledos* et, surtout, François Batllo*, de deux ans son cadet, dont il demeura très proche : tous trois étaient originaires de la Cerdagne ou du Capcir, les deux hautes vallées de l’ouest du département. Convoqué au conseil de révision de Perpignan en 1898, il fut déclaré "bon pour le service" mais ajourné "pour faiblesse". Convoqué à nouveau en 1899, il intégra les rangs du 12e RI, unité stationnée à Perpignan et dans les Pyrénées-Orientales. Il fut réformé n° 2 pour bronchite chronique par la commission de réforme de Perpignan réunie le 6 août 1903.
Courtier en vins à Perpignan et publiciste — il avait de  réels talents d’écriture —, il collabora d’abord au quotidien radical La République des Pyrénées-Orientales, fondé le 26 octobre 1902 par Simon Violet, industriel à Thuir. Il quitta ce journal en 1904. Il collabora également, après avoir été libéré de ses obligations militaires àLa France du Sud-Ouest. Il  fut également un rédacteur de  la revue  culturelle perpignanaise La Clavellina. Il adhéra  ensuite  au groupe  réformiste  «  l’Union  socialiste des Pyrénées-Orientales,  PSF ».  Le  3  juin 1905,  il participa à la réunion de fusion des deux groupes socialistes perpignanais (PSF et PS de F.) et fut élu délégué du groupe  unifié  au  congrès départemental  d’unification à  Estagel  (11  juin  1905). Collaborateur  régulier  de l’hebdomadaire de la fédération, Le Socialiste des Pyrénées-Orientales dont il fut le rédacteur en chef à partir de 1911, il fit partie de la commission exécutive fédérale à l’issue du congrès de Maury (1er avril 1907) et fut reconduit à celui de Rivesaltes (7 avril 1912). Il fut délégué des Pyrénées-Orientales au conseil national de la SFIO en 1913. Il fut candidat du Parti socialiste dans le canton de Prats-de-Mollo lors du renouvellement partiel du conseil général du 3 août 1913. Le parti espérait conquérir ce siège dans cette partie du Haut Vallespir où son implantation était en progrès, surtout parmi les travailleurs de l’industrie textile et sandalière. Mais Alfred Soubielle  était  handicapé  pour  n’avoir  aucune  attache  dans  cette  partie  du  département.  Il  affrontait  Joseph Sans, conseiller général sortant, radical-socialiste, patron de la principale usine textile et sandalière de Saint-Laurent-de-Cerdans, maire de cette commune. Battu dès  le premier  tour, Soubielle put écrire  à propos de sa campagne  et  des  résultats  qu’il obtint  :  "En  cinq  jours par une ardente  campagne  de réunions  publiques,  en proclamant partout  et  devant  tous  le  grand  principe  de  la  lutte  des  classes,  j’ai  fait  trembler  le  plus  grand seigneur  bourgeois  du  canton"  (Le  Socialiste  des  Pyrénées-Orientales,  8  août  1913).  Candidat  de  dernière minute, son score fut très honorable. Il obtint 521 voix, contre 639 à Sans, le docteur Arsène Guisset, de Prats-de-Mollo ayant obtenu 95 voix dans cette commune sans s’être présenté. Soubielle fut nettement majoritaireà Prats-de-Mollo (292 voix contre 12 à Sans) et au Tech et l’emporta d’une voix sur son adversaire à Lamanère. Il semble  aussi qu’Alfred Soubielle ait adhéré, à cette époque, à la franc-maçonnerie (loge Saint-Jean des Arts  et  de  la  Régularité  de  Perpignan).  Alfred  Soubielle  adhérait  au  syndicat  confédéré  des  employés  de commerce de Perpignan et faisait souvent publiquement état de cette affiliation dans la propagande qu’il faisait pour le parti, s’assimilant volontiers à un "prolétaire".
Partisan de la tendance animée par Jean Payra* et Lucien Deslinières* lors de la  crise de la  fédération en octobre 1909, il soutint Jean Payra contre Lucien Deslinières au congrès de Saint-Paul-de-Fenouillet (11 janvier 1914) qui traita du problème des alliances électorales du Parti socialiste.
Favorable à l’Union sacrée, Soubielle, réformé, fut, le 9 septembre 1914, "sur sa demande", reconnu apte au service armé par le conseil de révision de Perpignan. Le 7 décembre 1914, il fut incorporé au 126e RI territorial créé à Perpignan peu après le début de la Première Guerre mondiale, et devint caporal quelques jours plus tard, le 16 décembre. Il intégra le 16 mars 1915 ensuite le 12e bataillon de tirailleurs sénégalais (BTS), avant d’être muté au 7e régiment mixte d’infanterie  coloniale (12 mai 1915) formé à partir de plusieurs BTS. Cette unité avait  été  dépêchée,  le  2  mai  1915,  à  Galipoli,  (Dardanelles,  empire  ottoman).  Le  1er mars  1916,  Alfred Soubielle fut incorporé au 16e BTS, puis, le 23 mars suivant, au 73e BTS. Le 1er mai 1916, il fut promu sergent et, le 18 juillet 1916, sergent fourrier. À une date indéterminée, il intégra le 24e RIC, une unité "perpignanaise" (Voir Puig  François*).  Il  fut  promu  sergent  major  le  1er mars  1918.  Il  fut  classé  au  service  auxiliaire  pour "dyspepsie gastro-intestinale". Il fut démobilisé le 10 février 1919.
De retour à Perpignan après sa démobilisation, Soubielle participa à la campagne en faveur de la libération d’André Marty*, un enfant de Perpignan, mutin de la mer Noire. Dans Le Cri catalan du 19 juin 1919, il en parlait avec émotion et emphase : "L’officier de marine qui a refusé de faire tirer sur un régiment français et qui a fait arborer le drapeau rouge sur le grand mât, cet officier de marine est un Catalan, un Perpignanais. Si la loi fait assassiner  ce petit officier catalan, nous sommes ici des centaines prêts  à mourir devant les lebels (et ce n’est pas du battage)".
Il fut délégué à la propagande de la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales à partir du 6 juillet 1919. Il entra au  conseil municipal de Perpignan le 30 novembre 1919 avec la  liste socialiste et syndicaliste de Jean Payra* et siégea jusqu’en 1925. Il fut aussi candidat dans le canton de Perpignan-ouest lors du renouvellement des  conseils  généraux  de  décembre  1919.  Avec  son  camarade  Grabillou,  candidat  dans  le  même  canton  au conseil d’arrondissement de Perpignan, Soubielle,  fidèle  à l’alliance avec  les radicaux que défendait son ami Payra, se présentait comme un candidat républicain, passant sous silence son affiliation au Parti socialiste. Éluà la CAF et  délégué  (il  y représentait  les  "reconstructeurs"  détenteurs de  17  mandats  alors que Joseph  Puig*, détenteur de deux mandats était le délégué des partisans de la Troisième Internationale). Au congrès SFIO de Strasbourg (février 1920), il fut élu au conseil national du parti. Il se présenta aux élections sénatoriales du 11 janvier 1920. Il obtint 74 voix sur 486 inscrits alors que son colistier, Joseph Soubielle*, en obtenait 97. Dans le même temps, Soubielle s’imposa comme l’un des principaux rédacteurs du Cri catalan, soutenant la politique de  son  ami  Jean  Payra.  Il  n’hésitait  pas  à  user  d’accents  populistes,  en  cultivant  volontiers  un  lyrisme catalanisant. Alfred Soubielle fut aussi l’un des piliers du "comité Jaurès" créé par Jean Payra afin d’érigerà Perpignan  un  monument  (buste réalisé  par  le  sculpteur  catalan  Gustave  Violet  que  connaissait  bien  Alfred Soubielle)  en  l’honneur  de  l’ancien  député  du Tarn  assassiné en  1914, dont la  première  pierre  fut  posée  en grande pompe le 1er mai 1920 et l’inauguration solennelle le 31 août 1921 (après le congrès de Tours, mais avec la participation du nouveau Parti communiste).
À  cette  époque,  Alfred  Soubielle  était  un  des  leaders  locaux  de  la  tendance  des  «  reconstructeurs  ». Nettement  défavorable  au  bolchevisme  dès  la  fin  de  1919,  il  se  déclara  hostile  à  l’adhésion  à  la  IIIe Internationale  en  novembre  1920.  Lors du  débat de  préparation du  congrès  de Tours,  il  anima  aux  côtés  de Batllo et de Payra le courant opposé à l’adhésion à la Troisième Internationale qui ne représentait plus qu’une minorité  des  "reconstructeurs"  locaux.  Après  le  congrès  de  Tours,  il  demeura  à  la  «  vieille  maison  ».  Le  9 janvier 1921, la CAF de la SFIO « maintenue » l’élut secrétaire fédéral à la place de Jean Payra. Il assista au conseil national du Parti socialiste SFIO du 23 février 1921.   
Candidat dans le canton de Mont-Louis —qui englobait le Capcir, d’où était originaire sa famille paternelle — le  14  mai  1922,  Soubielle  obtint  451  voix  sur  1 358  inscrits.  En  1923,  il  était  toujours  secrétaire  de  la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales et fut réélu à la CAF le 24 mai 1924, devenant secrétaire fédéral adjoint le 9 août 1925. Il conserva ces responsabilités jusqu’en 1928 au moins.
Soubielle fut à nouveau candidat dans le canton de Mont-Louis lors du renouvellement des conseils généraux du 14 octobre 1928. Il recueillit 228 suffrages sur 1 365 inscrits. Élu membre de la commission fédérale des conflits le 2 juin 1929, il fut délégué des Pyrénées-Orientales au congrès national de la SFIO de Nancy (9-12 juin 1929). Il fut à nouveau délégué par la fédération de son département aux congrès nationaux suivants de la SFIO : Bordeaux (8-11 juin 1930), Paris (30-31 mai et 1er juin 1936), Marseille (10-13 juin 1937), Royan (4-8 juin  1938). En 1934,  fidèle  «  lieutenant  » de  Jean Payra,  il  s’occupait,  au plan  départemental,  du comité  de presse, chargé de la diffusion du Populaire. Aux obsèques de Jean Payra, le 31 mai 1937 lors de l’inhumation au  cimetière  Saint-Martin  de  Perpignan,  il  fut  chargé  par  la  famille du  défunt  d’adresser,  en  son  nom,  les remerciements à ceux qui assistèrent à la cérémonie.
À  la  fin  de  sa  vie,  il  habitait  aux  HBM  (Habitations  bon  marché)  Saint-Jacques,  immeubles  sociaux perpignanais, achevés en 1933 alors que Jean Payra était le premier adjoint de Victor Dalbiez, maire radical. Ses obsèques civiles eurent lieu le 6 février 1942 à Perpignan. Son petit-fils, Jean Carrière* fut un militant d’extrême gauche, adhérent du SNES, au sein duquel il fut l’un des animateurs des Amis de l’École émancipée.

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, série M non classée, liasse 177 ; 3 M 333, élections cantonales du 3 août 1913 ; 1 R 428, registre matricule des Pyrénées-Orientales (1896), f° 164. —Arch. Com. Perpignan, état civil,  acte  de  naissance  d’Alfred  Soubielle  ;  2  E  2/113,  acte  de  mariage  entre  Alfred  Soubielle  et  Louise Doumens. — Arch. com. Fontrabiouse-Espousouille, acte de naissance de Pierre Soubielle). — Le Socialiste des  Pyrénées-Orientales, 1905-1914. — Le Cri  catalan, 1919-1930. — L’Indépendant, 4 août 1913, 30  mai 1937,  6  février  1942. — André  Balent  &  Michel  Cadé,  Histoire  du  Parti  socialiste  dans  les  Pyrénées-Orientales  de sa  fondation  (1895) au congrès de  Tours  (1920),  n°  hors-série  de Conflent,  Prades,  1982.— André Balent, "La fondation de la Fédération socialiste des Pyrénées-Orientales (1895)", Massana, 25, Argelès-sur-Mer,  1975,  pp.  62-86.  — André  Balent,  "L’unité  socialiste  (1905)  dans  les  Pyrénées-Orientales,  la confirmation  de  l’hégémonie  guesdiste",  Le  Midi  Rouge,  bulletin  de  l’Association  Maitron  Languedoc-Roussillon, 6, Montpellier, 2005, pp. 18-23. — André Balent, article sur le monument Jaurès dans le présent numéro du Midi Rouge. — Michel Cadé, Le parti des campagnes rouges. Histoire du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales (1920-1939), Marcevol, Éditions du Chiendent, 1988. —Horace Chauvet, La Politique roussillonnaise (de 1870 à nos jours), Perpignan, 1934.

André BALENT